La Croisade contre les Albigeois

picto_patrimoine_billets.jpgLa dénomination d'albigeois pour désigner les cathares viendrait du Concile de Lombers, tenu dans l’Albigeois, pour examiner et condamner la doctrine nouvelle. A l'origine menée par Rome contre l'hérésie cathare, la croisade des albigeois se transforme rapidement, en une guerre d'annexion de l'Occitanie par la couronne de France.

Pape.jpgConfronté à l'audience grandissante de cette doctrine auprès des populations occitanes, avec la complaisance sinon la sympathie de leurs seigneurs, et alarmé par la décadence de l'Eglise officielle (St Bernard en 1145:"Les basiliques sont sans fidèles, les fidèles sans prêtres, les prêtres sans ministères"), Innocent III, pape de 1198 à 1216, lance tout d'abord une vaste campagne de prédication. A cette occasion, Dominique de Guzman (connu plus tard sous le nom de St Dominique) s'illustre en parcourant à pieds le Languedoc, vivant dans la pauvreté, le jeûne, et participant à des conférences contradictoires comme celle de Fanjeaux (Aude), restée célèbre.
Devant le peu de résultat de cette politique, Pierre de Castelnau, légat du pape et investi des pleins pouvoirs, tente de coaliser contre l'hérésie les seigneurs méridionaux, sous le commandement de Raymond VI, comte de Toulouse, cousin du roi de France, beau-frère des rois d'Angleterre et d'Aragon, duc de Narbonne, marquis de Provence et dont l'autorité s'étendait sur l'Agenais, le Quercy, le Rouergue, l'Albigeois, le Comminges et le comté de Foix ( Ariège ), suzerain d'un pays qui avait sa langue, ses traditions et sa juridiction propre. Celui ci refuse. Excommunié, il finit par se soumettre au légat du pape, mais le lendemain ce dernier est assassiné dans des circonstances troubles aux abords de St Gilles.
Le pape lançe aussitôt un appel à la croisade. La mobilisation s'étend à toute la France du Nord. Sans y participer lui-même, Philippe-Auguste permet à la noblesse française de se croiser. Innocent III distribue les indulgences, les dettes sont en sursis pendant la durée d'engagement de 40 jours renouvelable et l'absolution est promise pour tous les crimes qui vont se commettre.
Entre temps, début Juin 1209, Raymond VI fait pénitence et jure obéissance au pape, dans l'espoir d'écarter la menace. Mais la machine de guerre est en route. Forte de 300 000 hommes rassemblés à Lyon, l'armée des croisés se met en marche fin Juin.


Outre Raymond VI, deux autres grands seigneurs féodaux se partagent alors le Languedoc : le roi Pierre II d'Aragon, également comte de Barcelone, de Gévaudan, de Roussillon, seigneur de Montpellier et Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne et d'Albi.
Raymond VI de Toulouse ayant rejoint les croisés ne peut être attaqué. Pierre II d'Aragon est un roi puissant et le catharisme n'est que faiblement implanté dans ses états. C'est donc sur les terres de Trencavel que va se déchaîner la colère de Dieu.
L'armée catholique passa le Rhône début Juillet et mit le siège devant Béziers, dont les habitants avaient refusé de livrer les hérétiques. Le 22 Juillet, elle entre dans la ville sans réelle difficulté. Comme on demandait à l'abbé de Citeaux comment distinguer les catholiques des hérétiques, il aurait répondu "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens!". Sur 10 000 habitants, hérétiques, catholiques, femmes, enfants, tous furent massacrés, jusque dans les églises où ils s'étaient réfugiés. La ville brûla pendant 2 jours.

bucher.jpgL'armée s'attaqua ensuite à Carcassonne, bien défendue, mais que le manque d'eau obligea à capituler. Raymond Roger Trencavel meurt en captivité quelques mois plus tard. Son "remplaçant", Simon de Montfort, nommé chef des croisés va s'illustrer pendant 10 ans par sa cruauté systématique dans "la guerre des châteaux" qui commence alors.
Minerve tombe en Juillet 1210. Ce sera le 1er grand bûcher où 180 "Parfaits" trouveront la mort. Termes ensuite, puis Lavaur, ou 400 hérétiques sont brûlés vifs. La châtelaine fut jetée vivante dans un puit et recouverte de pierres. Aymeri de Montréal, son frère, fut pendu avec 80 de ses chevaliers. Albi, Castres, Mirepoix ( Ariège ), Gaillac... Les Parfaits doivent désormais trouver, pour échapper aux persécutions, d'autres refuges que les châteaux forts.
Désormais, la guerre passe sur le plan politique; le Nord contre le Midi. En Septembre 1213, les croisés sont aux portes de Toulouse. Sa capitale désormais menacée, Raymond VI s'allie pour les combattre à Pierre II qu'inquiètent des ambitions de Montfort sur le Languedoc. Mais le roi d'Aragon trouvera la mort sous les remparts de Muret. Après un nouveau massacre, l'armée de Monfort mettra encore 2 ans pour entrer dans Toulouse. Le concile de Latran, en Novembre 2015, destitue Raymond VI et le condamne à l'exil. On pourrait croire la croisade terminée.

Pourtant, la période qui s'étend de 1216 à 1222 voit un sursaut de résistance s'organiser. Débarqués à Marseille, Raymond VI et son fils entreprennent une reconquête méthodique. D'abord la Provence, puis Toulouse, en 1217, ou Montfort est tué. Son fils, Amaury, reprend le flambeau, mais se voit défait à Bazièges et Castelnaudary. A la requête du nouveau pape Honorius III, Philippe Auguste envoie alors en renfort son fils, le prince Louis, futur Louis VIII, à la tête d'une imposante armée. Prise de Marmande par les croisés, et nouveau massacre, en écho à celui de Béziers. Un nouveau siège à Toulouse se solde par un échec, et Louis s'en retourne dans le Nord avec ses hommes. Les croisés restés dans le Midi accumulent les défaites.
En 1223, meurent successivement le comte de Foix, Raymond VI et Philippe Auguste. Sous l'impulsion de Raymond VII, héritier du comte de Toulouse, le Languedoc a retrouvé en 1224 sa figure primitive.

Devant la résurgence du catharisme, Rome lance en 1225 une nouvelle croisade, sous l'autorité du roi de France. C'est cette fois l'armée royale qui fond sur le Midi. Rapidement, St Antonin, Béziers, Nîmes, Castres, Carcassonne se soumettent. Après la chute d'Avignon, en 1226, la croisade n'est plus qu'une "promenade militaire". A la mort prématurée du roi (il n'aura régné que 3 ans), sa veuve Blanche de Castille devient régente (le futur Louis IX - St Louis - n'a que 9 ans). Elle va entretenir assez de troupes en terre d'Oc pour maintenir une guerre de harcèlement. Aux abords de Toulouse, la tactique se modifie. Plutôt que d'attaquer la cité de front, on ravage les campagnes environnantes. Sans que sa ville ait été vaincue, Raymond VII se voit contraint, en avril 1229, à une paix humiliante. Le Traité de Meaux impose l'annexion pure et simple de toutes ses terres et le mariage de sa fille au frère du roi, afin qu'à sa mort, le comté de Toulouse revienne à la couronne. Comme son père il devra faire pénitence et subir la flagellation publique. Ce traité entérine également la création par Grégoire IX, successeur de Honorius, de l'Inquisition, tribunal religieux dont la charge est confiée aux dominicains afin d'éradiquer l'hérésie cathare

simon_de_montfort.jpg
Hormis une ultime et malheureuse tentative de Trencavel, descendant de Raymond Roger, pour récupérer Béziers et Carcassonne dont il a été dépossédé, la résistance s'organise désormais de façon clandestine, principalement dans le Fenouillèdes (Aude) et autours de Montségur (Ariège). Entre 1240 et 1242, tous les châteaux des Corbières tombent un à un. La reddition de Montségur(*) en 1244 et la chute de Quéribus en 1255 mettent un terme définitif à l'hérésie cathare.
Effet collatéral ou convergence des intérêts de l'Eglise et de la couronne de France? L'Occitanie au passage y a perdu son indépendance.
 
(*) à 1h20de Saint Girons et 88km de nos chambres d'hôtes en Ariège